Je publie ici une revue corrigée du Chronosplit que j'avais réalisée il y a quelques années et postées sur un autre bar, sa place est sur MM.
Pardon pour les allergiques au "Kwartz" , bonne lecture aux autres
Il a du en faire une tête l’horloger de Châteauroux (ville très respectable au demeurant) distributeur officiel pour la région des Heuer à Calibre 12, 14 et 15 quand un jour de 1975 il a reçu ça de La Chaux-de-Fonds
Petit retour en arrière.
Les Calibres 11, 12 et 14 (GMT) sortis en 1969 et années suivantes seront le dernier coup majestueux d’une industrie horlogère suisse qui voit bien arriver le chant du cygne (hélas).
Déjà en 1970, Jack Heuer (et d’autres bien sur) sait que l’arrivée et l’avènement de la technologie Quartz sont inévitables.
Pulsar est en train de prendre forme (association de la maison mère Hamilton et de la société Electro/Data inc) et sortira en 1972 la première montre à Quartz à affichage digital LED laquelle connaitra un succès retentissant à sa sortie pourtant mise en vente au prix décoiffant de 2 100,00 $ (quelques 11 000 $ de nos jours).
Mais l’attente de la clientèle est bien là.
A l’époque déjà elle veut plus de technologie, de la précision irréprochable et avoir une image d’avant-garde symbole incontestable du vrai luxe en ce début des années 70.
Innovation et « First To Market » sont deux valeurs de Jack Heuer et de sa « manufacture ».
En 1972, Jack Heuer entreprend alors un voyage d’études aux États-Unis où il sera fortement marqué par sa rencontre avec Robert Noyce (père du circuit intégré, les fameuses « puces » et co-fondateur de Intel, un grand mec le Bob).
Ensemble, ils posent les bases de la conception d’un chronomètre à quartz précis au 1/100ème de seconde et d’une montre chronographe à quartz précise au 1/10ème de secondes.
Issu de l’industrie des semi-conducteurs dans laquelle il a encore beaucoup de contacts, Bob Noyce introduit Jack Heuer dans le milieu des designers industriels, les fabricants de composants et tutti quanti.
En 1973 (je crois, je n’ai pas trouvé la confirmation de l’année exacte) Heuer sort le Microsplit
Le premier chronomètre à quartz précis au 1/100ème de secondes, une révolution.
Utilisant les ressources technologiques trouvées aux Etats-Unis, « designé » par Richard Sapper (qui « designera » plus tard le ThinkPad pour IBM le plus célèbre ordinateur portable des années 90) et fort de son savoir-faire incontestable dans le chronométrage de précision, le Microsplit est un succès immédiat et assure 6 mois plus tard un tiers du chiffre d’affaires de Heuer.
Il est alors décliné dans plusieurs versions.
Pour ceux qui ont eu un Thinkpad, ils reconnaitront un environnement familier
une autre variation, pour poignet celle-là
Dans la lancée, l’inépuisable Jack Heuer démarre la conception de ce qui deviendra à sa sortie en 1975 le Chronosplit (Ref 100.703), la première montre chronographe au 1/10ème de seconde entièrement électronique à double affichage digital
Au plan de son design, on trouve là une montre très moderne inspirée des principes de Gerald Genta (bracelet acier intégré)
et un boitier aux formes arrondies (particulièrement confortable) utilisant les concepts novateurs du Bio Design (lignes curvilignes optimisant les formes ici au service du confort et de la modernité) développées par Luigi Colani
Au niveau cadran, un double affichage.
En haut un affichage LCD indiquant l’heure, les secondes, la date et la partie de journée (matin/après-midi) par pression du poussoir de gauche.
En bas, beaucoup plus fort, un affichage LED rouge affichant le chrono.
L’ensemble étant alimenté par une seule et même pile, le chrono n’est affiché que par pression simultanée des poussoirs de gauche et de celui du haut à droite, il est lancé par le poussoir du haut à droite qui sert également à l’affichage des temps intermédiaires.
Le poussoir en bas à droite stoppe le chrono.
Le poussoir central de droite allume la petite lumière permettant de lire l’heure la nuit.
Compliqué ? Pas tant que ça, on s’y fait vite.
Mais cette complexité très relative de manipulation cache en revanche une très grande complexité « sous le capot ».
Imaginez un peu, chaque écran abrite son propre mouvement lequel est relié au même oscillateur quartz, le tout alimenté par la même pile. Tout cela comprend 11 circuits séparés utilisant 3 cartes de circuits imprimés
Je rappelle que nous sommes en 1975 pour nicher tout ca dans un si petit boitier !
Si ces technologies sont émergées à l’époque, leur industrialisation en revanche est balbutiante et…. très approximative.
Résultat, le Chronosplit est un succès commercial incroyable et les ventes vont bon train mais les problèmes aussi….
Les pannes sont plus que nombreuses, les horlogers ne peuvent intervenir, c’est la panique à Châteauroux où l’émeute guette.
Lui succédera une deuxième version à double affichage LCD (ref R102.703) au design altéré,
officiellement pour atteindre le Graal du 1/100ème de seconde sur une montre chronographe (innovation et premier encore une fois pour Heuer), plus vraisemblablement car la technologie LCD est plus facile à maitriser, à industrialiser et que sa consommation de pile sera moins endémique ce qui était une des plaintes récurrentes des clients au-delà des dysfonctionnements très nombreux.
Le Chronosplit aura été décliné dans plusieurs versions acier, plaqué or (!!!) avec bracelet cuir racing (non interchangeable avec le bracelet acier intégré).
Il aura deux versions spéciales :
La version Tiffany & Co du nom de la chaine de grands magasins américains qui en commandera 200 avant sa sortie, ces modèles seront fabriquées directement aux Etats-Unis chez les potes de Bob Noyce et sera… une catastrophe technique absolue en terme de fiabilité, Tiffany & Co ne fera pas de deuxième tour…
La version Ferrari (Heuer est sponsor officiel de la scuderia pour encore quelques années) tant en LED/LCD qu’en LED/LED
Autre caractéristique propre à Heuer, on trouvera le Chronosplit scotché aux poignets des stars de la F1 de l’époque,
Clay Regazzoni bien sur
Mais aussi le grand Nikki Lauda
Et surtout Jacques Villeneuve qui est LA figure emblématique de cette montre.
En synthèse, si on résume nous avons là toutes les composantes qui ont fait le succès et la légitimité de Heuer : innovation, « first to market », design, précision, monde la F1 et même un poussoir à gauche isolé comme sur ses grandes sœurs avec Calibre 11, 12, 14 et 15 !
Mais Heuer comme ses contemporains suisses aura eu une vision tronquée de la technologie quartz héritée de leur flamboyant passé sur le déclin.
Tous auront voulus la positionner comme un produit exclusif, très haut de gamme et très cher, peu (ou pas ?) auront réussis le tour de force de les fiabiliser rapidement.
En 1976, Texas Instrument mettra une montre à quartz sur le marché au prix de 20$, le "mass market horloger" est en marche..., en 1977 Pulsar est exsangue, n’ayant jamais réussi vraiment à fiabiliser ses montres et sera racheté en 1978 par Seiko préfigurant la déferlante japonaise et ses conséquences sur l’industrie horlogère suisse.
Il n’en reste pas moins que le Chronosplit est à mon sens une vraie Heuer avec toutes ses valeurs et son charme incomparable et… très inhabituel.
Cette montre a fait partie de la collection de Uli Sick, grand collectionneur de montres à quartz devant l’éternel et amoureux des Chronosplit.
Uli Sick a un site Internet passionnant sur les montres à Quartz : http://www.led-forever.com/
Cette montre est de fait un objet de collection particulièrement rare car des Chronosplit on en trouve, mais soit ils ne fonctionnent plus du tout soit, ils fonctionnent comme ça :
Je suis donc très attaché à cette OVNI horloger, surtout en full set comme ça :
Immanquables wrist shots
Je salue mes amis de Châteauroux, ville délicieuse où j’ai toujours grand plaisir à m’arrêter pour une pause touristique, gastronomique et évidemment œnologique.
Cordialement,
Laurent
VOS COMMENTAIRES ICI SVP !
Pardon pour les allergiques au "Kwartz" , bonne lecture aux autres
Il a du en faire une tête l’horloger de Châteauroux (ville très respectable au demeurant) distributeur officiel pour la région des Heuer à Calibre 12, 14 et 15 quand un jour de 1975 il a reçu ça de La Chaux-de-Fonds
Petit retour en arrière.
Les Calibres 11, 12 et 14 (GMT) sortis en 1969 et années suivantes seront le dernier coup majestueux d’une industrie horlogère suisse qui voit bien arriver le chant du cygne (hélas).
Déjà en 1970, Jack Heuer (et d’autres bien sur) sait que l’arrivée et l’avènement de la technologie Quartz sont inévitables.
Pulsar est en train de prendre forme (association de la maison mère Hamilton et de la société Electro/Data inc) et sortira en 1972 la première montre à Quartz à affichage digital LED laquelle connaitra un succès retentissant à sa sortie pourtant mise en vente au prix décoiffant de 2 100,00 $ (quelques 11 000 $ de nos jours).
Mais l’attente de la clientèle est bien là.
A l’époque déjà elle veut plus de technologie, de la précision irréprochable et avoir une image d’avant-garde symbole incontestable du vrai luxe en ce début des années 70.
Innovation et « First To Market » sont deux valeurs de Jack Heuer et de sa « manufacture ».
En 1972, Jack Heuer entreprend alors un voyage d’études aux États-Unis où il sera fortement marqué par sa rencontre avec Robert Noyce (père du circuit intégré, les fameuses « puces » et co-fondateur de Intel, un grand mec le Bob).
Ensemble, ils posent les bases de la conception d’un chronomètre à quartz précis au 1/100ème de seconde et d’une montre chronographe à quartz précise au 1/10ème de secondes.
Issu de l’industrie des semi-conducteurs dans laquelle il a encore beaucoup de contacts, Bob Noyce introduit Jack Heuer dans le milieu des designers industriels, les fabricants de composants et tutti quanti.
En 1973 (je crois, je n’ai pas trouvé la confirmation de l’année exacte) Heuer sort le Microsplit
Le premier chronomètre à quartz précis au 1/100ème de secondes, une révolution.
Utilisant les ressources technologiques trouvées aux Etats-Unis, « designé » par Richard Sapper (qui « designera » plus tard le ThinkPad pour IBM le plus célèbre ordinateur portable des années 90) et fort de son savoir-faire incontestable dans le chronométrage de précision, le Microsplit est un succès immédiat et assure 6 mois plus tard un tiers du chiffre d’affaires de Heuer.
Il est alors décliné dans plusieurs versions.
Pour ceux qui ont eu un Thinkpad, ils reconnaitront un environnement familier
une autre variation, pour poignet celle-là
Dans la lancée, l’inépuisable Jack Heuer démarre la conception de ce qui deviendra à sa sortie en 1975 le Chronosplit (Ref 100.703), la première montre chronographe au 1/10ème de seconde entièrement électronique à double affichage digital
Au plan de son design, on trouve là une montre très moderne inspirée des principes de Gerald Genta (bracelet acier intégré)
et un boitier aux formes arrondies (particulièrement confortable) utilisant les concepts novateurs du Bio Design (lignes curvilignes optimisant les formes ici au service du confort et de la modernité) développées par Luigi Colani
Au niveau cadran, un double affichage.
En haut un affichage LCD indiquant l’heure, les secondes, la date et la partie de journée (matin/après-midi) par pression du poussoir de gauche.
En bas, beaucoup plus fort, un affichage LED rouge affichant le chrono.
L’ensemble étant alimenté par une seule et même pile, le chrono n’est affiché que par pression simultanée des poussoirs de gauche et de celui du haut à droite, il est lancé par le poussoir du haut à droite qui sert également à l’affichage des temps intermédiaires.
Le poussoir en bas à droite stoppe le chrono.
Le poussoir central de droite allume la petite lumière permettant de lire l’heure la nuit.
Compliqué ? Pas tant que ça, on s’y fait vite.
Mais cette complexité très relative de manipulation cache en revanche une très grande complexité « sous le capot ».
Imaginez un peu, chaque écran abrite son propre mouvement lequel est relié au même oscillateur quartz, le tout alimenté par la même pile. Tout cela comprend 11 circuits séparés utilisant 3 cartes de circuits imprimés
Je rappelle que nous sommes en 1975 pour nicher tout ca dans un si petit boitier !
Si ces technologies sont émergées à l’époque, leur industrialisation en revanche est balbutiante et…. très approximative.
Résultat, le Chronosplit est un succès commercial incroyable et les ventes vont bon train mais les problèmes aussi….
Les pannes sont plus que nombreuses, les horlogers ne peuvent intervenir, c’est la panique à Châteauroux où l’émeute guette.
Lui succédera une deuxième version à double affichage LCD (ref R102.703) au design altéré,
officiellement pour atteindre le Graal du 1/100ème de seconde sur une montre chronographe (innovation et premier encore une fois pour Heuer), plus vraisemblablement car la technologie LCD est plus facile à maitriser, à industrialiser et que sa consommation de pile sera moins endémique ce qui était une des plaintes récurrentes des clients au-delà des dysfonctionnements très nombreux.
Le Chronosplit aura été décliné dans plusieurs versions acier, plaqué or (!!!) avec bracelet cuir racing (non interchangeable avec le bracelet acier intégré).
Il aura deux versions spéciales :
La version Tiffany & Co du nom de la chaine de grands magasins américains qui en commandera 200 avant sa sortie, ces modèles seront fabriquées directement aux Etats-Unis chez les potes de Bob Noyce et sera… une catastrophe technique absolue en terme de fiabilité, Tiffany & Co ne fera pas de deuxième tour…
La version Ferrari (Heuer est sponsor officiel de la scuderia pour encore quelques années) tant en LED/LCD qu’en LED/LED
Autre caractéristique propre à Heuer, on trouvera le Chronosplit scotché aux poignets des stars de la F1 de l’époque,
Clay Regazzoni bien sur
Mais aussi le grand Nikki Lauda
Et surtout Jacques Villeneuve qui est LA figure emblématique de cette montre.
En synthèse, si on résume nous avons là toutes les composantes qui ont fait le succès et la légitimité de Heuer : innovation, « first to market », design, précision, monde la F1 et même un poussoir à gauche isolé comme sur ses grandes sœurs avec Calibre 11, 12, 14 et 15 !
Mais Heuer comme ses contemporains suisses aura eu une vision tronquée de la technologie quartz héritée de leur flamboyant passé sur le déclin.
Tous auront voulus la positionner comme un produit exclusif, très haut de gamme et très cher, peu (ou pas ?) auront réussis le tour de force de les fiabiliser rapidement.
En 1976, Texas Instrument mettra une montre à quartz sur le marché au prix de 20$, le "mass market horloger" est en marche..., en 1977 Pulsar est exsangue, n’ayant jamais réussi vraiment à fiabiliser ses montres et sera racheté en 1978 par Seiko préfigurant la déferlante japonaise et ses conséquences sur l’industrie horlogère suisse.
Il n’en reste pas moins que le Chronosplit est à mon sens une vraie Heuer avec toutes ses valeurs et son charme incomparable et… très inhabituel.
Cette montre a fait partie de la collection de Uli Sick, grand collectionneur de montres à quartz devant l’éternel et amoureux des Chronosplit.
Uli Sick a un site Internet passionnant sur les montres à Quartz : http://www.led-forever.com/
Cette montre est de fait un objet de collection particulièrement rare car des Chronosplit on en trouve, mais soit ils ne fonctionnent plus du tout soit, ils fonctionnent comme ça :
Je suis donc très attaché à cette OVNI horloger, surtout en full set comme ça :
Immanquables wrist shots
Je salue mes amis de Châteauroux, ville délicieuse où j’ai toujours grand plaisir à m’arrêter pour une pause touristique, gastronomique et évidemment œnologique.
Cordialement,
Laurent
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