Bonjour à tous,
ceci est mon premier "vrai" post sur le forum après mon passage par la rubrique présentation.
Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m'appelle Christophe, je suis horloger et je vais essayer de partager régulièrement avec vous quelques révisions ou restaurations - si possible intéressantes - de montres que j'ai eu à l'atelier.
De cette manière, vous pourrez découvrir les entrailles de ces vieilles mamies.
Je vais commencer par un modèle pour le moins intéressant : une Jaeger-Lecoultre Futurematic Cal.837.
Si un modérateur pense que mon post a davantage sa place dans la rubrique revue, qu'il n'hésite pas à déplacer le sujet.
Introduction :
La Futurematic a été produite sous les deux marques : LeCoultre et Jaeger-LeCoultre.
Les LeCoultre sont les plus courantes, on les trouve habituellement avec une carrure plaquée or (gold filled).
Les Jaeger-LeCoultre se trouvent en version acier ou or massif (à ma connaissance, elles n'ont pas existé en plaqué).
La majorité de ces Futurematic possèdent le calibre 497 (produit à plus de 50.000 exemplaires).
Cependant, de ce calibre ont dérivés quelques mouvements à diffusion restreinte : le calibre 817, fabriqué à 3500 exemplaires, puis le calibre 827, produit à 1000 exemplaires, et enfin l'exclusif calibre 837, produit à seulement 500 exemplaires.
C'est ce dernier mouvement que je vais vous faire découvrir en détail.
Un peu d'explications techniques :
Ce mouvement est relativement complexe (la rumeur courait que Jaeger le vendait à perte) et très bien exécuté.
Quelques pubs d'époque sur la Futurematic:
Révision :
Rentrons dans le vif du sujet et observons cette jeune demoiselle de 55 ans :
Ce qu'on peut en dire à priori : elle est en très bien conservée pour son âge avec une cosmétique presque parfaite.
Néanmoins, elle nécessite un nettoyage, d'où sa présence à l'atelier : elle ne tient plus l'heure, elle n'a presque plus d'autonomie et l'indicateur de réserve ne fonctionne plus. Bref, elle est encrassée.
Je dévisse le fond avec un outil spécifique. Il faut absolument la bonne empreinte sinon on abime tout (quelques horlogers peu compétents sont visiblement intervenus avant moi car les encoches sont passablement marquées). :
Le mouvement est emboité dans le fond (c'est à cause de la couronne). Je le désolidarise. On voit apparaître le rocher de mise à l'heure. Notez le joint complètement sec. Il sera remplacé par un joint neuf en nitrile.
J'installe alors le mouvement sur le porte mouvement. Il est un peu encrassé, comme collant. Observez le levier situé sur le pont du barillet : il réalise la fonction stop seconde lors de la translation de la couronne. Il vient stopper le mouvement du balancier lors de la mise à l'heure. Simple, mais efficace.
Je dépose alors le pont de barillet. Là on voit bien la crasse autant sur le pont qu'en dessous !
Je retourne le mouvement côté cadran, et je dépose les aiguilles et le cadran. Apparaît alors le mécanisme de réserve de marche, si particulier à la Futurematic. On notera également que la masse oscillante est fixée des deux cotés du mouvement, le prenant en quelque sorte en sandwich, ce qui lui confère une rigidité exceptionnelle par rapport à un montage classique en porte-à-faux.
Je dépose alors l'afficheur de réserve de marche. Notez le crochet qui vient bloquer la masse oscillante lorsque le ressort est complètement chargé. Quelle technologie de pointe pour l'époque ! (le réglage est fin).
Je retourne alors le mouvement et je peux maintenant retirer le rocher solidaire du rotor... puis la partie signée du rotor. Là encore il y a de la crasse.
Je dépose alors le pont de balancier et le balancier / spiral, suivi du pont d'ancre et de l'ancre.
Je retourne une nouvelle fois le mouvement et je peux déposer l'autre moitié du rotor. Je dépose alors le pont de la roue des heures et ladite roue dans le but d'inspecter les pièces et tout va bien, je peux remonter provisoirement.
Je dépose alors le système de rappel du mécanisme d'affichage de réserve de marche.
A ce stade, le mouvement part en direction de la machine à laver où il tournera dans l'essence pendant plusieurs dizaines de minutes. Il en ressort tout propre :
Je redépose le pont de roue des heures pour procéder au huilage de la chaussée. Puis je repose les roues et le pont.
Je retourne le mouvement et je dépose le pont de minuterie. Je contrôle que toutes les pièces sont propres et tournent rond. Tout est impeccable. Je repose alors la minuterie - c'est un moment très délicat, il faut que chaque roue soit parfaitement concentrique de ses rubis, que tout soit parfaitement aligné.
Je repose alors le pont de minuterie et je huile. Je dépose ensuite le pont d'ancre une nouvelle fois, je vérifie que tout est en ordre et je repose puis je procède au huilage de l'échappement.
Je retourne le mouvement et je repose le système de rappel de l'afficheur de réserve de marche. Le mouvement est super propre, comme neuf ! Notez la qualité d'éxecution de la manufacture Jaeger-LeCoultre : la finition est superbe !
Je repose alors le balancier et son pont, puis je procède au huilage de l'antichoc. Je positionne ensuite le barillet qui a également été nettoyé, puis je repose le pont.
Retour côté cadran, je repose les éléments d'entrainement de l'afficheur de réserve de marche, puis je commence la repose du rotor d'un côté, puis de l'autre.
Je pose enfin le reste du système : le levier d'affichage, le pont, le disque de seconde perpétuelle...
Me reste alors à poser le cadran et les aiguilles et je mets en boite (j'ai simplement ravivé le brossage sur les cotés de la carrure pour la rajeunir, le propriétaire ne souhaitant pas un polissage complet pour garder le coté vintage de la montre). Le remontoir fonctionne à nouveau et j'ai posé un mini joint sous la couronne. A ce joint s'ajoute le joint de fond de boite, ce qui vient parfaire l'étanchéité - toute relative - de la montre.
Quelques photos à l'établi :
En espérant vous avoir amusé.
Salutations horlogères, Christophe.
ceci est mon premier "vrai" post sur le forum après mon passage par la rubrique présentation.
Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m'appelle Christophe, je suis horloger et je vais essayer de partager régulièrement avec vous quelques révisions ou restaurations - si possible intéressantes - de montres que j'ai eu à l'atelier.
De cette manière, vous pourrez découvrir les entrailles de ces vieilles mamies.
Je vais commencer par un modèle pour le moins intéressant : une Jaeger-Lecoultre Futurematic Cal.837.
Si un modérateur pense que mon post a davantage sa place dans la rubrique revue, qu'il n'hésite pas à déplacer le sujet.
Introduction :
La Futurematic a été produite sous les deux marques : LeCoultre et Jaeger-LeCoultre.
Les LeCoultre sont les plus courantes, on les trouve habituellement avec une carrure plaquée or (gold filled).
Les Jaeger-LeCoultre se trouvent en version acier ou or massif (à ma connaissance, elles n'ont pas existé en plaqué).
La majorité de ces Futurematic possèdent le calibre 497 (produit à plus de 50.000 exemplaires).
Cependant, de ce calibre ont dérivés quelques mouvements à diffusion restreinte : le calibre 817, fabriqué à 3500 exemplaires, puis le calibre 827, produit à 1000 exemplaires, et enfin l'exclusif calibre 837, produit à seulement 500 exemplaires.
C'est ce dernier mouvement que je vais vous faire découvrir en détail.
Un peu d'explications techniques :
Ce mouvement est relativement complexe (la rumeur courait que Jaeger le vendait à perte) et très bien exécuté.
- La Futurematic est dépourvue de couronne de remontoir apparente. La couronne est sur le fond. On la translate pour la positionner en mise à l'heure. Un dispositif stop seconde très simple est présent lors de la translation de la courone.
- Le mouvement est à remontage automatique à marteau, avec dispositif de retenue/blocage en fin de course lorsque le ressort est totalement armé. C'est cette fonction qui a nécessité beaucoup de développement.
- Le marteau prend le mouvement en sandwich, ce qui est une particularité intéressante : le marteau - de masse importante - n'est, de sorte, pas monté en porte-à-faux, ce qui le rend insensible aux jeux.
- Le cadran présente un indicateur de la réserve de marche, fonction intéressante pour une montre automatique qu'on ne peut pas remonter manuellement. Cette fonction était également proposée sur un autre modèle de la marque : la Powermatic, qui était la première montre automatique à indication de réserve de marche, cf. la publicité suivante :
Quelques pubs d'époque sur la Futurematic:
Révision :
Rentrons dans le vif du sujet et observons cette jeune demoiselle de 55 ans :
Ce qu'on peut en dire à priori : elle est en très bien conservée pour son âge avec une cosmétique presque parfaite.
Néanmoins, elle nécessite un nettoyage, d'où sa présence à l'atelier : elle ne tient plus l'heure, elle n'a presque plus d'autonomie et l'indicateur de réserve ne fonctionne plus. Bref, elle est encrassée.
Je dévisse le fond avec un outil spécifique. Il faut absolument la bonne empreinte sinon on abime tout (quelques horlogers peu compétents sont visiblement intervenus avant moi car les encoches sont passablement marquées). :
Le mouvement est emboité dans le fond (c'est à cause de la couronne). Je le désolidarise. On voit apparaître le rocher de mise à l'heure. Notez le joint complètement sec. Il sera remplacé par un joint neuf en nitrile.
J'installe alors le mouvement sur le porte mouvement. Il est un peu encrassé, comme collant. Observez le levier situé sur le pont du barillet : il réalise la fonction stop seconde lors de la translation de la couronne. Il vient stopper le mouvement du balancier lors de la mise à l'heure. Simple, mais efficace.
Je dépose alors le pont de barillet. Là on voit bien la crasse autant sur le pont qu'en dessous !
Je retourne le mouvement côté cadran, et je dépose les aiguilles et le cadran. Apparaît alors le mécanisme de réserve de marche, si particulier à la Futurematic. On notera également que la masse oscillante est fixée des deux cotés du mouvement, le prenant en quelque sorte en sandwich, ce qui lui confère une rigidité exceptionnelle par rapport à un montage classique en porte-à-faux.
Je dépose alors l'afficheur de réserve de marche. Notez le crochet qui vient bloquer la masse oscillante lorsque le ressort est complètement chargé. Quelle technologie de pointe pour l'époque ! (le réglage est fin).
Je retourne alors le mouvement et je peux maintenant retirer le rocher solidaire du rotor... puis la partie signée du rotor. Là encore il y a de la crasse.
Je dépose alors le pont de balancier et le balancier / spiral, suivi du pont d'ancre et de l'ancre.
Je retourne une nouvelle fois le mouvement et je peux déposer l'autre moitié du rotor. Je dépose alors le pont de la roue des heures et ladite roue dans le but d'inspecter les pièces et tout va bien, je peux remonter provisoirement.
Je dépose alors le système de rappel du mécanisme d'affichage de réserve de marche.
A ce stade, le mouvement part en direction de la machine à laver où il tournera dans l'essence pendant plusieurs dizaines de minutes. Il en ressort tout propre :
Je redépose le pont de roue des heures pour procéder au huilage de la chaussée. Puis je repose les roues et le pont.
Je retourne le mouvement et je dépose le pont de minuterie. Je contrôle que toutes les pièces sont propres et tournent rond. Tout est impeccable. Je repose alors la minuterie - c'est un moment très délicat, il faut que chaque roue soit parfaitement concentrique de ses rubis, que tout soit parfaitement aligné.
Je repose alors le pont de minuterie et je huile. Je dépose ensuite le pont d'ancre une nouvelle fois, je vérifie que tout est en ordre et je repose puis je procède au huilage de l'échappement.
Je retourne le mouvement et je repose le système de rappel de l'afficheur de réserve de marche. Le mouvement est super propre, comme neuf ! Notez la qualité d'éxecution de la manufacture Jaeger-LeCoultre : la finition est superbe !
Je repose alors le balancier et son pont, puis je procède au huilage de l'antichoc. Je positionne ensuite le barillet qui a également été nettoyé, puis je repose le pont.
Retour côté cadran, je repose les éléments d'entrainement de l'afficheur de réserve de marche, puis je commence la repose du rotor d'un côté, puis de l'autre.
Je pose enfin le reste du système : le levier d'affichage, le pont, le disque de seconde perpétuelle...
Me reste alors à poser le cadran et les aiguilles et je mets en boite (j'ai simplement ravivé le brossage sur les cotés de la carrure pour la rajeunir, le propriétaire ne souhaitant pas un polissage complet pour garder le coté vintage de la montre). Le remontoir fonctionne à nouveau et j'ai posé un mini joint sous la couronne. A ce joint s'ajoute le joint de fond de boite, ce qui vient parfaire l'étanchéité - toute relative - de la montre.
Quelques photos à l'établi :
En espérant vous avoir amusé.
Salutations horlogères, Christophe.