Cela devait arriver: à force de placer des invaders et des aliens sur les cadrans ou de se promener sur la lune, Manuel Emch a transformé sa dernière montre en vaisseau spatial! La Spacecraft marque un véritable tournant pour Romain Jerome: incontestablement, elle incarne une nouvelle ambition esthétique et horlogère qui préfigure l'orientation que veut prendre la marque ces prochaines années.
La Spacecraft est en même temps un retour aux années 70 et aux années 80: inspirée par les montres "Casquette" comme le fut encore récemment la HM5 de Max Büsser, elle arrive à sortir du carcan de ce concept grâce à une approche artistique ambitieuse. Si le principe de base évoque les montres à affichage digital qui symbolisèrent le chant du cygne de l'horlogerie mécanique face à la progression du quartz, la forme en trapèze, les angles, les traitements des surfaces, l'aérodynamisme de la ligne font plus penser au casque de Dark Vador ou à certains buildings à l'architecture décoiffante. Il faut dire que deux belles fées se sont penchées sur le berceau de cette Spacecraft. Une fois de plus, le duo Jean-Marc Wiederrecht & Eric Giroud fait mouche en conciliant le contenu horloger, l'originalité de l'affichage avec le coup de crayon du designer.
Deux mots me vinrent à l'esprit quand je découvris la Space Craft: audace et cohérence. L'audace s'exprime par le style volontairement insolite et à la limite belliqueux du boîtier en titane traité avec un PVD noir. C'est bel et bien un vaisseau d'une force extraterrestre pas forcément habitée des meilleures intentions qui s'est retrouvée à mon poignet. Les couleurs, l'alternance de gris, de noir, les formes anguleuses, le rouge de l'affichage de l'heure, la partie supérieure qui fait penser à un engin furtif, tout concourt à ce sentiment d'ambiance hostile. La montre a un caractère bien trempé pour mon plus grand plaisir! Romain Jerome s'éloigne sur ce coup de l'horlogerie guimauve et de bons sentiments de certains et cela fait beaucoup de bien! Je retrouve en cela cette agressivité maîtrisée de certaines Urwerk et Horological Machine. J'espère juste que le travail d'adoucissement de certains traits qui était prévu après ma visite chez Romain Jerome ne va pas être trop prononcé car les angles clairement marqués font partie des gênes de la Spacecraft et contribuent fortement à sa réussite.
La lisibilité de l'affichage sera améliorée par rapport à celui de ce prototype:
La cohérence provient de la parfaite symbiose entre le design et l'affichage du temps. Les heures sont indiquées par le biais d'une graduation latérale qu'un chariot rouge parcourt à l'arrière en sautant toutes les heures. La Spacecraft est nullement un chronographe, une montre qui littéralement écrit le temps, mais elle embarque un module développé par Agenhor qui reprend le principe du chariot de la machine à écrire: il avance d'un pas par heure et à l'issue de la douzième heure, il effectue un mouvement de retour instantané pour se repositionner derrière la fenêtre de la première heure. J'apprécie le principe des heures sautantes sur les montres à affichage digital car nulle part ailleurs, il ne me semble aussi bien adapté. Pas d'erreur de jugement, de mauvaise lecture: ce n'est qu'à la soixantième minute que l'heure "saute". Mais limiter cet affichage à seulement une heure sautante serait réducteur: les heures de la Spacecraft sont sautantes, linéaires, latérales et rétrogrades à la fois, excusez du peu!
Les minutes se lisent sur la surface supérieure de la montre. Avec un peu d'habitude, on peut même trouver l'angle du poignet qui permet de déchiffrer de façon simultanée les heures et les minutes. Pour une lisibilité optimale, il vaut mieux oublier ce genre d'astuce et lire les informations les unes derrière les autres. Les minutes sont trainantes et indiquées par le biais d'un disque noir et d'une discrète flèche rouge situés au beau milieu des plaques en titane microbillé. La montre ne possède en revanche aucune trotteuse ni indicateur de marche.
Le module d'affichage est alimenté par un mouvement ETA2892 ce qui est une très bonne nouvelle quand à la régularité de fonctionnement et à la fiabilité de la montre. Je préfère nettement que des modules originaux soient tractés par des calibres connus tel cet ETA2892 ou le GP3000 que par des mouvements originaux. Jean-Marc Wiederrecht a ainsi pu totalement se concentrer dans le développement spécifique du chariot qui constitue la pièce centrale de la montre. La faiblesse de l'ETA2892 est en revanche son efficacité du remontage toute relative. C'est la raison pour laquelle j'aurais préféré que la couronne ne soit pas vissée afin de faciliter le remontage manuel de temps en temps.
L'arrière de la montre est au diapason des autres parties du boîtier: imaginez un croisement du casque de Dark Vador avec la tête d'un Transformer et vous voyez le résultat.
La Spacecraft se porte avec confort grâce à au bon positionnement de la montre sur le poignet. Le bracelet en polyamide tressé noir est bien dans l'esprit "high tech" et ne jure pas avec le boîtier. En revanche, n'espérez pas un seul instant pouvoir porter la Spacecraft sous la manche de chemise. Montre "Casquette" oblige, sa forme rend ce geste impossible. Mais après tout, ce n'est pas grave. Comment imaginer un seul instant avoir envie d'être discret avec une telle montre au poignet?
Vous l'avez compris, j'ai été très séduit par cette Spacecraft. Evidemment, certains feront le rapprochement avec la HM5 mais je trouve que ce serait un raccourci rapide. La HM5 va sur la route et son affichage joue avec la lumière et les prismes. C'est une montre qui évoque la liberté, le rêve américain et l'insouciance du début des années 70. La Spacecraft se déplace dans l'espace, est plus sombre, plus agressive et son affichage est radicalement différent. Je trouve au contraire intéressant et stimulant de découvrir en peu de temps deux montres "Casquette" si opposées. En tout cas, personne ne peut contester qu'avec la Spacecraft, Romain Jerome change de braquet grâce au module exclusif et à une esthétique à l'avenant. Montre vendue dans le cadre d'une série limitée de 99 exemplaires à un prix "raisonnable" (autour de 21.000 CHF), elle donne un bon indicateur sur la future stratégie de la marque qui alternera sa collection de pièces habituelles (si je peux le dire) avec des montres plus inventives horlogèrement parlant.
Merci à l'équipe Romain Jerome pour son accueil pendant la semaine du SIHH à Genève.
Texte original:
http://equationdutemps.blogspot.fr/2013/02/romain-jerome-spacecraft.html
La Spacecraft est en même temps un retour aux années 70 et aux années 80: inspirée par les montres "Casquette" comme le fut encore récemment la HM5 de Max Büsser, elle arrive à sortir du carcan de ce concept grâce à une approche artistique ambitieuse. Si le principe de base évoque les montres à affichage digital qui symbolisèrent le chant du cygne de l'horlogerie mécanique face à la progression du quartz, la forme en trapèze, les angles, les traitements des surfaces, l'aérodynamisme de la ligne font plus penser au casque de Dark Vador ou à certains buildings à l'architecture décoiffante. Il faut dire que deux belles fées se sont penchées sur le berceau de cette Spacecraft. Une fois de plus, le duo Jean-Marc Wiederrecht & Eric Giroud fait mouche en conciliant le contenu horloger, l'originalité de l'affichage avec le coup de crayon du designer.
Deux mots me vinrent à l'esprit quand je découvris la Space Craft: audace et cohérence. L'audace s'exprime par le style volontairement insolite et à la limite belliqueux du boîtier en titane traité avec un PVD noir. C'est bel et bien un vaisseau d'une force extraterrestre pas forcément habitée des meilleures intentions qui s'est retrouvée à mon poignet. Les couleurs, l'alternance de gris, de noir, les formes anguleuses, le rouge de l'affichage de l'heure, la partie supérieure qui fait penser à un engin furtif, tout concourt à ce sentiment d'ambiance hostile. La montre a un caractère bien trempé pour mon plus grand plaisir! Romain Jerome s'éloigne sur ce coup de l'horlogerie guimauve et de bons sentiments de certains et cela fait beaucoup de bien! Je retrouve en cela cette agressivité maîtrisée de certaines Urwerk et Horological Machine. J'espère juste que le travail d'adoucissement de certains traits qui était prévu après ma visite chez Romain Jerome ne va pas être trop prononcé car les angles clairement marqués font partie des gênes de la Spacecraft et contribuent fortement à sa réussite.
La lisibilité de l'affichage sera améliorée par rapport à celui de ce prototype:
La cohérence provient de la parfaite symbiose entre le design et l'affichage du temps. Les heures sont indiquées par le biais d'une graduation latérale qu'un chariot rouge parcourt à l'arrière en sautant toutes les heures. La Spacecraft est nullement un chronographe, une montre qui littéralement écrit le temps, mais elle embarque un module développé par Agenhor qui reprend le principe du chariot de la machine à écrire: il avance d'un pas par heure et à l'issue de la douzième heure, il effectue un mouvement de retour instantané pour se repositionner derrière la fenêtre de la première heure. J'apprécie le principe des heures sautantes sur les montres à affichage digital car nulle part ailleurs, il ne me semble aussi bien adapté. Pas d'erreur de jugement, de mauvaise lecture: ce n'est qu'à la soixantième minute que l'heure "saute". Mais limiter cet affichage à seulement une heure sautante serait réducteur: les heures de la Spacecraft sont sautantes, linéaires, latérales et rétrogrades à la fois, excusez du peu!
Les minutes se lisent sur la surface supérieure de la montre. Avec un peu d'habitude, on peut même trouver l'angle du poignet qui permet de déchiffrer de façon simultanée les heures et les minutes. Pour une lisibilité optimale, il vaut mieux oublier ce genre d'astuce et lire les informations les unes derrière les autres. Les minutes sont trainantes et indiquées par le biais d'un disque noir et d'une discrète flèche rouge situés au beau milieu des plaques en titane microbillé. La montre ne possède en revanche aucune trotteuse ni indicateur de marche.
Le module d'affichage est alimenté par un mouvement ETA2892 ce qui est une très bonne nouvelle quand à la régularité de fonctionnement et à la fiabilité de la montre. Je préfère nettement que des modules originaux soient tractés par des calibres connus tel cet ETA2892 ou le GP3000 que par des mouvements originaux. Jean-Marc Wiederrecht a ainsi pu totalement se concentrer dans le développement spécifique du chariot qui constitue la pièce centrale de la montre. La faiblesse de l'ETA2892 est en revanche son efficacité du remontage toute relative. C'est la raison pour laquelle j'aurais préféré que la couronne ne soit pas vissée afin de faciliter le remontage manuel de temps en temps.
L'arrière de la montre est au diapason des autres parties du boîtier: imaginez un croisement du casque de Dark Vador avec la tête d'un Transformer et vous voyez le résultat.
La Spacecraft se porte avec confort grâce à au bon positionnement de la montre sur le poignet. Le bracelet en polyamide tressé noir est bien dans l'esprit "high tech" et ne jure pas avec le boîtier. En revanche, n'espérez pas un seul instant pouvoir porter la Spacecraft sous la manche de chemise. Montre "Casquette" oblige, sa forme rend ce geste impossible. Mais après tout, ce n'est pas grave. Comment imaginer un seul instant avoir envie d'être discret avec une telle montre au poignet?
Vous l'avez compris, j'ai été très séduit par cette Spacecraft. Evidemment, certains feront le rapprochement avec la HM5 mais je trouve que ce serait un raccourci rapide. La HM5 va sur la route et son affichage joue avec la lumière et les prismes. C'est une montre qui évoque la liberté, le rêve américain et l'insouciance du début des années 70. La Spacecraft se déplace dans l'espace, est plus sombre, plus agressive et son affichage est radicalement différent. Je trouve au contraire intéressant et stimulant de découvrir en peu de temps deux montres "Casquette" si opposées. En tout cas, personne ne peut contester qu'avec la Spacecraft, Romain Jerome change de braquet grâce au module exclusif et à une esthétique à l'avenant. Montre vendue dans le cadre d'une série limitée de 99 exemplaires à un prix "raisonnable" (autour de 21.000 CHF), elle donne un bon indicateur sur la future stratégie de la marque qui alternera sa collection de pièces habituelles (si je peux le dire) avec des montres plus inventives horlogèrement parlant.
Merci à l'équipe Romain Jerome pour son accueil pendant la semaine du SIHH à Genève.
Texte original:
http://equationdutemps.blogspot.fr/2013/02/romain-jerome-spacecraft.html